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mémoire de liseur
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12 juillet 2010

L'Esparvienne

Anatole France décrit ainsi l’Esparvienne, la bibliothèque où dans La Révolte des Anges« s’accomplirent des évènements étranges » :

Jaloux d’embrasser tout le cercle des connaissances humaines et désireux de donner à son génie encyclopédique un symbole concret et un appareil conforme à ses moyens pécuniaires, le baron Alexandre d’Esparvieu avait formé une bibliothèque de trois cent soixante mille volumes, tant imprimés que manuscrits, don le fond principal provenait des bénédictins de Ligugé.

Par une clause spéciale de son testament, il avait prescrit à ses héritiers d’accroitre après lui sa bibliothèque de tout ce qui paraitrait d’important en sciences naturelles, morales, politiques, sociales, philosophiques et religieuses. Il avait indiqué les sommes qu’il convenait de prélever, à cet effet, sur sa succession et chargé son fils aîné, Fulgence-Adolphe, de procéder à ces accroissements. Fulgence-Adolphe accomplit, avec un respect filial, les volontés exprimées par son illustre père.

Après lui, cette bibliothèque immense, qui représentait plus qu’une part d’enfant, resta indivise entre les trois fils et les deux filles du sénateur, et René d’Esparvieu, à qui échut l’hôtel de la rue Garancière, reçut la garde de cette riche collection. Ses deux sœurs, Mmes Paulet de Saint-Fain et Cuissart, demandèrent plusieurs fois la liquidation d’un bien considérable et qui ne rapportait rien. Mais René et Gaétan rachetèrent la part de leurs deux cohéritières et la bibliothèque fut sauvée. René d’Esparvieu s’occupa même de l’accroitre, conformément aux intentions du fondateur. Mais, d’année en année, il diminuait le nombre et l’importance des acquisitions, estimant que la production intellectuelle baissait en Europe.

Gaétan, cependant, l’enrichissait, sur ses deniers, des ouvrages nouveaux, publiés tant en France qu’à l’étranger, qu’il estimait bons, et il ne manquait pas de jugement, bien que ses frères lui en refusassent jusqu’à la moindre parcelle. Grâce à cet homme oisif et curieux, les collections du baron Alexandre furent à peu près tenues à jour.

La bibliothèque d’Esparvieu est encore aujourd’hui, en théologie, en jurisprudence et en histoire, une des plus belles bibliothèques privées de toute l’Europe. Vous y pouvez étudier la physique ou, pour mieux dire, les physiques dans toutes leurs branches, et pour peu qu’il vous en chaille, la métaphysique ou les métaphysiques, c’est-à-dire ce qui est joint aux physiques et qui n’a pas d’autre nom, tant il est impossible de désigner par un substantif ce qui n’a point de substance et n’est que rêve et illusion. Vous pouvez y admirer les philosophes procédant à la solution, dissolution et résolution de l’absolu, à la détermination de l’indéterminé et à la définition de l’infini. Tout se rencontre, dans cet amas de bibles et de biblettes sacrées et profanes, tout jusqu’au pragmatisme le plus nouveau et le plus élégant.

Couverture_Montaigne

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