Alfred Cortot et Debussy
Extrait d’un article de Debussy publié dans le Gil Blas du 6 Avril 1903
« Je n’ai pas de chance !... Pour une fois où j’aurais eu plaisir à vous parler de Wagner, la Société des Grandes Auditions de France ne m’a pas admis à l’honneur d’entendre l’exécution de Parsifal qu’elle vient de donner au Nouveau-Théâtre par les soins de M. Alfred Cortot. M. Cortot est le chef d’orchestre français qui a le mieux profité de la pantomime habituelle aux chefs d’orchestre allemands… Il a la mèche de Nikisch(celui-ci est d’ailleurs hongrois) et cette mèche est attachante au dernier point par me mouvement passionné qui l’agite à la moindre nuance… Voici qu’elle tombe mélancolique et lassée aux endroits de douceur, de façon à intercepter toute communication entre M. Cortot et l’orchestre… puis voici qu’elle se relève fièrement aux endroits belliqueux… à ce moment M. Cortot avance sur l’orchestre et pointe un menaçant bâton, ainsi que font les « Banderilleros » lorsqu’ils veulent déconcerter le taureau… (Les musiciens d’orchestre ont un sang-froid de Groënlandais, ils en ont vu bien d’autres.) Comme Weingartner, il se penche affectueusement sur les premiers violons en leur murmurant d’intimes confidences ; se retourne vers les trombones, les objurgue d’un geste dont l’éloquence peut se traduire ainsi : « Allons, mes enfants, du nerf ! Tâchez d’être plus trombones que nature », et les trombones dociles avalent consciencieusement leurs cylindres.
Il est juste d’ajouter que M. Cortot connait Wagner dans ses moindres replis et qu’il est parfait musicien. Il es jeune, son amour de la musique est très désintéressé ; voilà assez de raisons pour ne pas lui tenir rigueur de gestes plus décoratifs qu’utiles.
Pour revenir à la Société des Grandes Auditions, a-t-elle voulu, en me privant de Parsifal, me punir de mon iconoclastie wagnérienne ? Craignit-elle une attitude subversive ou quelque bombe ?... »
et puis,
les années ont passé
Années 30
Cortot joue Debussy